PARTIE III
Salvador de Bahia
, (visite du navire), Rio, Santos, Zarate, Buenos Aires
(12 au 21 décembre 2007)
 

Mercredi 12 décembre

Départ à 2 heures du matin de Salvador de Bahia. Nous croisons des flottilles de petits bateaux de pêche. Des goélands nous survolent tout l’après-midi. Le soir, des sapins ont poussé sur nos tables. Les haut-parleurs nous annoncent encore un changement d’heure.

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Jeudi 13 décembre

6 h 30. Il fait grand jour. Je sors faire des photos. Surprise, les passagers de l’autre table sont déjà en train de déjeuner. Le temps de prévenir Marie-Paule et Janine, ils ont déjà terminé. La pendule indique 8 h 30. Hier nous n’avons pas compris le haut-parleur, qui pour une fois nous invitait à avancer et non plus reculer nos montres d’une heure, parce que l'Etat de San Salvador de Bahia a refusé de passer à l’heure d’été.

Luigi, jeune officier italien, nous fait visiter tous les étages du Grande Buenos Aires, de l’avant à l’arrière, du douzième au premier. Certains sont vides mais d’autres contiennent des centaines de voitures, toutes serrées, rétros rabattus, soigneusement sanglées dans les anneaux prévus pour éviter qu’elles ne bougent si la mer devenait agitée. Les moissonneuses et les gros engins de travaux publics sont attachés par des chaînes. Les plateaux chargés de machines ou de gros tuyaux d’acier acceptent une charge limitée à 100 tonnes.
Le Grande Buenos Aires a été construit en 2003. Extérieurement 214 m x 32,25 m, hauteur du 13ème étage : 34 m environ au-dessus de l’eau.
3 500 véhicules + 1 350 containers. 30 membres d'équipage. Et 12 passagers maximum, c'est la loi sans médecin à bord.
La hauteur intérieure utile du pont 3 (3e étage), auquel on accède en entrant, est de 6,10 m. Il mesure 200 m de long x 32 de large. 6 400 m² !
Les 16 réservoirs de fuel totalisent 2 800 tonnes de carburant, suffisantes pour aller de Hambourg à Buenos Aires et retour. 27 000 km en 53 jours normalement, escales comprises. La consommation est de 70 tonnes par jour, environ 3 000 litres à l’heure, celle d’une maison en 1 an !
Le plein est fait à Anvers en 10 heures.

Chacune des 4 ancres a 160 m de chaîne dont les maillons, longs de 40 cm, sont en acier épais comme l’avant-bras. Les guindeaux sont énormes et les winches enroulent des cordes de 8 cm de diamètre.
Une petite porte de chaque côté du pont 3 permet au pilote du port de monter à bord.
Le pont relevable du navire pèse 400 tonnes.
Au-dessus des machines, dans la salle de contrôle insonorisée et climatisée, des ingénieurs indiens surveillent en permanence les ordinateurs qui contrôlent tout le fonctionnement. Etonnante, la tête d’ail ficelée au plafond est censée protéger le navire du mauvais sort !
Selvam, jeune ingénieur indien, nous fait visiter la salle des machines, impressionnante. Moteur diesel 8 cylindres. Puissance 14 000 kW. Enorme, il fait un bruit d’enfer. Des passerelles l’entourent sur 3 étages. Des centrifugeuses éliminent l’eau qui peut se trouver dans le fuel avant de l’envoyer aux moteurs.
Un réservoir de Co² gros comme un camion-citerne permettrait de faire face à un incendie.
En marche, un générateur est branché sur l’arbre de transmission pour produire toute l’électricité alors qu’à l’arrêt 4 génératrices fabriquent celle nécessaire à la lumière, aux grues, à l’ascenseur, au dépliage du pont relevable.
5 hélices propulsent le navire, créant un sillage rectiligne guère plus large que le cargo.
2 autres hélices permettent de manœuvrer latéralement au port.
Un dessalinisateur d’eau de mer fabrique 20 000 litres d’eau douce par jour, nécessaire aux besoins des cuisines, des lave-linge et des 42 occupants.
L’état de propreté des différents ponts est remarquable.
En mer, à la passerelle, au 13e étage, il y a toujours au minimum un officier, un cadet et un matelot qui surveillent les radars, la carte sur l’écran numérique et la route prévue.
Un radar permet de voir les mouvements des navires, même s’ils ne sont pas encore visibles aux jumelles. Leur taille, leur trajectoire sont représentées et permettent d’anticiper et modifier si nécessaire notre route. Même les petites barcasses apparaissent, ainsi que la crête des vagues les plus hautes sous forme de points lumineux.
Notre vitesse est en général de 19 nœuds, soit 35 km/heure, donc 840 km parcourus en 24 heures.

Cet après-midi, il pleut. Nous arrivons devant la baie de Rio à 18 heures. Grandes îles. Lumières au ras de l’eau mais collines invisibles perdues dans les nuages. Nuit en mer.

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Vendredi 14 décembre

Le voyage traîne en longueur. De temps en temps on aperçoit les collines de Rio. A 11 heures on repart.
Midi. Le pilote brésilien arrive dans son petit bateau.
Tout le monde mange en un quart d’heure, curieux de voir l’entrée dans la baie de Guanabara. Deux bateaux de croisière y font escale.
Le quai est près du pont géant de 14 km qui relie Rio de Janeiro à Niteroi.

Des voitures neuves venues d’Europe sont déchargées et des neuves, brésiliennes, prennent leur place.

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Samedi 15 décembre

L'activité s'est poursuivie toute la nuit. Ils ont vidé le pont à containers (à l’avant), chargé plein de gros camions Volkswagen et 1500 voitures + 500 containers.

Nous allons faire un petit tour dans le port.
13 h 30. Nous partons avec le soleil.
Des régates ont lieu dans la baie, c’est samedi.

Le christ du Corcovado fait de brèves apparitions à travers les nuages.

18 heures. Nous franchissons le tropique du Capricorne, Capricornio en espagnol !
Puis nous sommes à hauteur de Parati, ville coloniale portugaise merveilleusement conservée et restaurée et qui fut le point ultime de notre remontée par la route en 2004.

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Dimanche 16 décembre

Santos est le plus grand port d’Amérique du Sud, près de l’agglomération de São Paulo, une des plus grosses villes du monde avec environ 20 millions d’habitants.
A 2 heures du matin nous avançons lentement. La rive est illuminée. Nous apprécions d’avoir un hublot.
Grosse activité des camions qui transportent les containers. Chargement de centaines de voitures VW modèle Gol, inconnu en Europe.
Permission de sortie jusqu’à 13 heures.
Déchargé plusieurs centaines de containers. Chargé des centaines de Daily Iveco. Partis à 18 h 30.

Magnifique sortie au soleil couchant sur l’estuaire, qui s’enfonce très loin; bordé de quantité d’installations portuaires puis d’habitations misérables sur la rive gauche mais de grands immeubles modernes sur la rive droite.
12 bateaux à l’ancre en mer.

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Lundi 17 décembre

En mer. On longe la côte du Brésil qu’on aperçoit de temps en temps. Soleil.
Passons au large de Porto Alegre, grande ville célèbre pour son Forum social et son port sur la rive d’un grand lac marin.

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Mardi 18 décembre

Très beau temps. Vent, bain de soleil. Passons à 13 heures au large de l’Uruguay devant Punta del Este, station balnéaire de 700 000 hts que nous connaissons et ses tours. Un bateau de croisière y est ancré.
Après-midi au soleil.

Depuis Montevideo, capitale de l’Uruguay, le petit bateau du pilote vient sur nous à toute vitesse.
16 h 50. Le pilote monte à bord. Nous entrons dans l’estuaire du Rio de la Plata, qui doit faire 150 km de large ici, à son embouchure.

17 h 37 précisément. Nous entamons un demi-tour très serré que nous ne terminerons pas, car nous nous échouons, après avoir brassé beaucoup de boue marron. Quand ça se produit nous sommes assis dehors à l’abri du vent et malheureusement nous ne regardons pas devant. Dès l’amorce du virage, (nous n’aurions pas cru possible qu’il puisse tourner en un rayon aussi court), la passerelle annonce aux haut-parleurs « manœuvre de emergency », ou quelque chose comme ça. Nous avons bien vu le cargo qui s’éloigne dans le sens opposé et notre capitaine très en colère. C’est pour éviter la collision que notre navire a braqué à fond en espérant, après un joli virage à 360° parvenir à regagner le chenal balisé. Notre sillage est une courbe parfaite de la largeur du bateau que nous photographions. La boue soulevée est marron alors que l’eau du rio de la Plata, que l’on estime d’habitude marron, semble verte comparativement. Après quelques secousses nous sommes immobilisés, bien que les hélices continuent à mouliner la boue. Finalement ils n’insistent pas, et nous restons penchés légèrement sur bâbord.
A 18 heures nous descendons dîner, en riant jaune. Passerons-nous Noël à bord ? Décidément, ce voyage est très spécial. Et s’il fallait abandonner le navire, partir en chaloupe ? Ah non ! que deviendrait notre BerliLand ?

19 h 35. La marée est montée. Nous repartons, brassons beaucoup de fond marron mais ça bouge. Eureka ! Nous regagnons le chenal balisé de bouées rouges et vertes. D’ici on distingue bien les immeubles de Montevideo mais la rive argentine est trop loin, invisible.
Beau coucher de soleil. Nous sommes tous soulagés. Il n’y aura aucune autre communication sur les événements. Il a été dit et répété que nous avons un tirant d’eau de 7 m et qu’il n’y avait que 5,50 m de fond.

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Mercredi 19 décembre

5 heures du matin. Nous sommes au large de Buenos Aires.
6 heures. Nous entrons dans le delta par un des bras du rio Parana de las Palmas. De nombreux bras secondaires sillonnent irrégulièrement le delta. Nous rencontrons de gros cargos. La lumière au lever du soleil est toute dorée, c’est magnifique sur l’eau et la forêt. Soleil, ciel bleu.

Sur les berges parfois une cabane ou un bungalow perdu dans la végétation qui nous font penser à l’Amazonie ou à la Guyane. Toutes ces îles basses sont couvertes de forêt, que généralement nous dominons de nos 34 mètres.
Le chant des oiseaux monte jusqu’à nous.

Nous croisons le Republica del Brasile, autre bateau de la Cie Grimaldi, du même gabarit mais différent du nôtre à l’avant car il n’a pas de pont découvert pour containers ou camions.
En arrivant à Zarate nous sommes surpris par l’importance des installations portuaires, raffineries et chimiques. Nous passons devant le camping de Las Tejas, l’une de nos premières étapes en 2003. Le navire de 216 cabines est toujours échoué là et les lions dans leurs cages sont probablement encore là aussi.
Au-dessus de la cheminée, notre bateau a baissé son mât pour passer sous le magnifique pont suspendu qui doit totaliser 6 km d’emprise. Nous devons mesurer près de 45 m de haut.
Cette traversée de la forêt est l’un des plus beaux parcours que nous ayons faits, et la vue de là-haut était vraiment très agréable.
Le port roulier est tout près, et aidés d’un remorqueur nous faisons demi-tour pour venir nous ranger contre le quai. Parking immense, notre estimation est d’au moins 20 000 véhicules : voitures, camions, moissonneuses, engins de travaux publics, tout est neuf. Les parkings sont clôturés et des vigiles surveillent depuis les miradors.

Des cargos paraguayens sont venus charger des containers, des véhicules ou des engins de travaux publics. Ils remonteront le fleuve pendant plus de 1 000 km.

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Jeudi 20 décembre

Superbe lever du soleil sur la forêt d’où seuls les grands arbres émergent d’une mer de brouillard.
Nous dégustons notre seconde bouteille de beaujolais, toujours avec nos voisins suisses et Janine. Décidément, à l’autre table, les Allemands et les jeunes Suisses ne sont guère intéressants, ils ne nous ont presque jamais adressé la parole et maintenant sont fâchés entre eux ! Ils ont sursauté au bruit du bouchon. A votre santé, Laurence et Bruno !

Encore une longue journée au soleil, pendant que sans arrêt les chauffeurs déchargent 1 500 véhicules (VW, Fiat) et en rechargent 2 500 (dont des Peugeot et Citroën et des fourgons Mercedes). Des gros cargos de haute mer passent, un bateau militaire, des bateaux porteurs de bois, tout plats, qui circulent dans tout le delta, tellement chargés qu’on ne voit plus que du bois enfoncé dans l’eau et heureusement la cabine.

Nous quittons la zone portuaire de Zarate en début de nuit. La lune est pleine, la nuit douce et nous avons sorti nos chaises sur le pont. Il reste encore une dizaine d’heures de navigation avant Buenos Aires et la fin du voyage. Pendant 10 kilomètres, c’est une succession de lumières, de torchères. Quelles belles illuminations si près de Noël ! Nous ne reverrons malheureusement pas la forêt dans la nuit et allons dormir.

La suite...

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