Dans les années 90 notre fils
aîné a acquis pour naviguer autour du monde un voilier
habitable d’occasion de 9,90 m, large de 3 m et avec 1,80
m de tirant d’eau. Il pèse 6 tonnes. C’est un
Cobalt, architecte Langevin, sa coque est en acier, comme celle
de Joshua, le bateau de Bernard Moitessier.
Pour qu’il puisse partir dans de bonnes conditions de sécurité
et de confort, nous lui avons conseillé de le faire transporter
chez nous afin de tout revoir. Notre fils est revenu vivre au domicile
familial et s’est lancé dans la remise en état
de son bateau.
Après avoir gratté l’antifouling
et différentes couches de peinture, nous l’avons sablé
pour remettre à nu sa coque en acier et l’avons repeint.
Cela nous a permis de constater que la coque avait été
très bien faite et était en bon état.
Vu la qualité très aléatoire
des aménagements, nous avons démonté tout l’intérieur,
avons là aussi remis la coque à nu et l’avons
repeinte.
Nous avons défini un cahier des
charges, prévoyant quatre occupants possibles pour un tour
du monde bien sûr avec escales, et avons imaginé des
solutions d’aménagement. Pour affiner nos plans, nous
avons dessiné tous les 50 cm une coupe, un relevé
de toutes les cotes, l’avons reporté sur un support
transparent à l’échelle 1/50e et avons superposé
ces profils. Cela nous a donné une idée plus précise
de la place disponible de telle à telle distance du capot
de descente.
Nous avons remplacé tous les hublots,
les capots ouvrants, les coffres de rangement dans le cockpit, changé
le moteur, l’arbre et l’hélice, installé
2 grosses batteries, revu l’accastillage et les appareils
de navigation.
Puis nous avons isolé les parties hors d’eau, les avons
recouvertes de contre-plaqué et avons créé
le mobilier.
Equiper un bateau est un exercice passionnant.
Même si ça ressemble à l’équipement
d’un camping-car, les contraintes sont multiples et il faut
toujours avoir en tête la sécurité des occupants.
A première vue, il y a peu de différences entre le
mobilier d’un camping-car et celui d’un bateau. Pourtant
les conditions d’utilisation sont très différentes.
Quand un camping-car se déplace, ses passagers sont assis
et n’utilisent réellement ses aménagements qu’à
l’arrêt. Et là, il doit stationner le plus horizontalement
possible.
Dans un voilier c’est très
différent. A bord il faut pouvoir se relayer, un se repose
pendant que l’autre assure le quart. Pendant le déplacement
du bateau il faut pouvoir se déplacer pour effectuer les
manœuvres. Il bouge sans cesse et malgré cela il faut
aussi effectuer toutes les tâches nécessaires à
la vie à bord. Sauf au port, ou lorsqu’il n’y
a pas de vent, un voilier est toujours penché sur bâbord
ou sur tribord, et bouge constamment. Il faut par tous les temps
pouvoir faire cuire son pain, cuisiner et passer à table
sans que tout se renverse, dormir sans être projeté
hors de sa couchette et pouvoir se tenir lorsqu’on se déplace.
Il faut aussi imaginer le pire :
le bateau qui se renverse. Tous les placards, tous les tiroirs,
tous les coffres et même les soutes sous le plancher doivent
fermer, être bloqués solidement, au risque sinon de
recevoir sur la tête des boîtes de conserve, des bocaux
ou des outils si le bateau venait par malheur à se retourner.
La quille contient un lest (ici 2,2 tonnes de béton) qui
doit en principe rendre ce renversement impossible, mais les aléas
de la navigation peuvent en décider autrement. Le mât
de 11 mètres une fois dans l’eau avec tout l’accastillage
peut aussi devenir un lest et empêcher longtemps le bateau
de revenir dans le bon sens.
Contrairement au camping-car, il n’est donc pas indispensable
de rechercher d’abord la légèreté mais
plutôt la solidité.
Il est indispensable de pouvoir sortir très rapidement en
cas de besoin.
En mer on ne peut pas compter sur les autres.
Un oubli, une défaillance ou une panne peuvent avoir des
conséquences désastreuses. Alors que sur la route
dans tous les pays on peut acheter ce dont on a besoin, même
s’il faut parfois se passer momentanément de moutarde,
de vin ou de pain, pour un véhicule en panne on appelle une
dépanneuse, dans un bateau on trouve seulement ce qu’on
a pensé à emporter, en mer pas de garage, pas d’épicerie,
pas de pharmacie.
Le climat marin est très mauvais
pour tout ce qui craint l’humidité, les bois ainsi
que les métaux.
Il faut choisir en conséquence les matériaux.
Il est utile de fabriquer son électricité, avec une
éolienne par exemple et/ou des panneaux solaires.
Là encore il faut tout prévoir avant de commencer
les travaux.
Dans les espaces de rangement, tout doit être calé
ou attaché. Il faut avoir de quoi stocker et conserver de
l’eau, de la nourriture pour plusieurs semaines, voire pour
1 ou 2 mois.
Aménager ce bateau fut vraiment une expérience passionnante
doublée d’une aventure familiale et humaine, le fait
que notre fils revienne vivre chez nous après plusieurs années
et que nous soyons amenés à réfléchir
ensemble aux solutions les mieux adaptées à ses problèmes
d’aménagement et de navigation.
Equipé d’une machine à bois, il a appris la
menuiserie et a fait du beau travail.
Par la suite j’ai travaillé avec cette machine les
chutes de bois du bateau pour équiper notre Land Rover.
Dans notre jardin, pour monter à
bord à plus de 2,50 m de haut, nous avions construit un escalier
avec une rampe et au-dessus du bateau un grand hangar de 8 x 4 m,
haut de 4,50 m, pour nous abriter, car contrairement au bateau nous
craignons la pluie. Heureusement pour nous les voisins et la municipalité
se sont montrés compréhensifs.
Les travaux se sont étalés sur 5 ans.
|