En
1983, nos 4 enfants étaient âgés de 9 à
15 ans et le Fiat 238 était devenu trop petit. Il avait 100 000 km
et son état permettait encore de bien le vendre. Nous avons
commandé un châssis-cabine neuf à empattement
court, pour y construire une cellule pour 6 adultes.
Je la voulais compacte, pour pouvoir stationner dans un emplacement
de voiture. J’ai fait des plans en tenant compte d’un
rallongement du porte-à-faux arrière de 45 cm, c’était
le maximum autorisé par Peugeot sans dérogation spéciale.
Cela faisait 5,17 m de longueur hors tout et 1,98 m de large. J’allais
au travail avec.
Le gasoil coûtait à l’époque 40% moins
cher que le super pour une consommation moindre. Le supplément
de prix pour le moteur diesel était vite amorti.
Une cellule aux parois verticales est bien plus facile à
aménager qu’un fourgon aux formes arrondies.
Nous avons réalisé avec mon ami soudeur une armature
en tube d’acier carré et j’ai recouvert le tout
d’une « tôle » polyester translucide
que j’ai rivetée.
La
réglementation ayant changé, j’ai réalisé
l’aménagement dans le respect de la norme NF 56200,
en vue du passage aux Mines.
Avec 5,17 m hors tout, (châssis court), pour pouvoir coucher
6 adultes il fallait gagner de la place. J’ai volontairement
renoncé au cabinet de toilette, mais j’ai prévu
un W-C chimique, (en ouvrant la penderie on pouvait s’isoler),
et mis la douche à l’extérieur, avec pour l’intimité
un rideau fixé sur une barre, un bac à chat servant
de bac à douche pour éviter de patauger. J’ai
installé un second point d’eau dans le coffre à
gaz et y ai mis la douchette.
Le
bloc cuisine était équipé d’une plaque
de cuisson 2 feux, évier et frigo trimixte 56 litres. Chauffage
au gaz. Sous le plancher, entre les longerons du châssis j’ai
encastré 2 réservoirs d’eau de 55 litres, un
réservoir d’eaux usées de 45 litres, la batterie
secondaire et plusieurs grandes soutes dans tous les espaces disponibles.
Un coffre à gaz pour 2 bouteilles ménage (13 kg) de
propane.
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A
l’arrière une dînette 6 places, transformable
en lit 2 places et au-dessus un second lit double repliable en 2
contre la paroi arrière. Une capucine à l’avant
mais pour une seule place et derrière la cabine les 3 sièges
face à la route transformables la nuit en autre lit une place.
Aux 6 places assises en dînette s’ajoutaient donc les
3 places cabine d’origine et les 3 autres juste derrière,
face à la route. Nous disposions de 12 places assises, ce
qui permettait aux enfants de choisir leur place selon ce qu’ils
souhaitaient faire en route. En Sicile ou en Turquie il nous est
parfois arrivé de rouler à 12. Ailleurs nous prenions
les stoppeurs, nous limitant à 9 occupants. Une manière
conviviale de voyager.
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La hauteur intérieure était de 2,05 m, le toit à
2,85 m du sol, avec une galerie pour la planche à voile.
Ce véhicule à traction avant avait une très
bonne tenue de route, le centre de gravité abaissé
par tout ce qui prenait place sous le plancher, entre les traverses
du châssis. J’avais ajouté une barre stabilisatrice
à l’arrière.
Nous sommes partis en vacances en Hollande, Suisse, Allemagne, Autriche,Yougoslavie,
Italie, Espagne, Turquie et 2 fois en Sicile. A l’aller et
au retour nous faisions des étapes de 900 à 1 250
km dans la journée, pour avoir le temps de visiter tranquillement
le pays qui nous intéressait. Nous avons ainsi parcouru en
Turquie d’Asie plus de 15 000 km en 3 voyages, qui
nous laissaient chacun 3 semaines sur place.
Parfois nous tractions notre remorque Erka dont j’avais agrandi
la caisse. Elle contenait notre bateau pneumatique Bombard dégonflé
et son moteur 9,9 ch. Arrivés sur la côte nous le gonflions
et le transportions sanglé sur le couvercle prévu
pour cela.
Un
matin, en Turquie de l’Est, après une nuit pluvieuse
nous avons quitté la mer Noire pour monter jusqu’à
un col par une piste forestière détrempée,
près de la frontière géorgienne. Nous avions
chargé heureusement un stoppeur qui a été très
serviable pour pousser quand nous étions embourbés
et qui arrêta un minibus quand, après avoir glissé
lentement, nous nous étions retrouvés au fossé
sans dommages. Les Turcs sont très aimables et accueillants.
Pour traverser sur de grosses pierres un petit torrent qui coupait
la route, j’ai dû faire monter mes passagers sur le
pare-chocs avant, car nous étions en bascule sur 3 roues
et seule une roue avant touchait le sol. Au col, à 2 650
m, il y avait encore des plaques de neige, un campement kurde, et
une cinquantaine d’enfants quémandeurs et miséreux,
avec la pelade ou la gale, qui nous ont entourés. Nos enfants
commençant à paniquer, nous avons jeté dans
l’herbe des poignées de dragées pour nous dégager.
Quelle misère dans ces régions !
Nous avons parcouru 170 km de piste en 10 heures, sans même
penser à nous arrêter pour déjeuner. Ce jour-là,
je me suis promis d’acheter un jour un véhicule 4x4
pour être plus à l’aise dans une telle situation.
Ce que nous fîmes 10 ans plus tard en achetant le Land
Rover qui devint le BerliLand.
Nous avons utilisé le Berlibus durant 8 ans et parcouru 128 000
km. Pour le vendre en 1991, j’ai soigné la présentation,
et nous l’avons enfin fait peindre. Je l’ai présenté
à l’Apave, qui après l’avoir examiné
sur toutes les coutures m’a seulement fait ajouter une étiquette
mentionnant la nature du gaz, (le propane), puis aux Mines qui l’ont
homologué pour 6 places.
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Une
fois peint il avait fière allure, semblait neuf et ne ressemblait
plus au BERLIBUS qui nous avait fait vivre tant d’aventures.
C’était préférable car on a toujours
un pincement au cœur au moment de se séparer.
Huit jours plus tard, j’ai trouvé un acheteur qui n’a
pas discuté son prix : 90 000 F.
Plus tard nous l’avons remplacé par un fourgon Volkswagen
T4 rallongé et rehaussé d’occasion, que j’ai
équipé pour trois adultes.
EPILOGUE
Un jour de 2002, circulant au Mans avec ma petite voiture, je reconnais
au loin la silhouette familière du Berlibus. Mon cœur
se met à battre plus vite, craignant de le perdre de vue.
Je parviens à le suivre et le rattrape dans une petite rue
au moment où il s’arrête pour stationner. J’explique
aux deux frères qui en descendent que ce véhicule,
je le connais bien car j’ai passé environ 2 000 heures
à le construire. Qu’il a logé et promené
notre petite famille de 1983 à 1991, que nous avons dû
l’habiter approximativement 1 an, compte tenu de nos 5 semaines
de congés et de nombreux week-ends. Il avait appartenu à
des enseignants, la quatrième propriétaire, c’était
la mère de ces jeunes. Ils me le font visiter, m’informent
qu’il a plus de 250 000 km, qu’il mange un
peu d’huile, que tout l’équipement fonctionne
toujours et qu’ils ont conservé la notice si bien faite
sous forme de petit répertoire que j’avais rédigée
en le vendant 10 ans auparavant ! La carrosserie en polyester
et sa peinture ont très bien vieilli alors que la cabine
d’origine, pourtant repeinte en 1991 comme le reste au moment
de le vendre, présente des traces assez importantes de corrosion.
On s’attache à nos véhicules, ils font partie
de notre histoire. J’ai été très heureux
de voir que le Berlibus, bien qu’âgé de 19 ans,
avait bien résisté à l’usure du temps
et rempli sa mission en donnant du bonheur à ses occupants.
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