J’ai
commencé à travailler à 15 ans, en 1960. J’ai
toujours été curieux de découvrir le monde
et dès l’année suivante j’ai fait le tour
de la Bretagne à vélo, puis j’ai acheté
une Mobylette Motobécane orange AV89. Après le vélo,
c’était un moyen économique pour parcourir rapidement
de longues distances. Elle consommait 2 litres de mélange
aux 100 km. A l’époque les cyclomoteurs n’étaient
pas bridés et la plupart atteignaient 60 à 70 km/h.
Equipés d’une selle biplace et de cale-pieds, nous
pouvions en toute légalité rouler à deux, coiffés
chacun d’un casque. Sur route nous faisions normalement une
moyenne de 50 km/heure, ce qui nous permettait de partir quand il
y avait un pont ou en simple week-end visiter la France mais aussi
la Suisse et parfois le Sud de l’Allemagne. Ce qui depuis
Paris représentait entre 580 et 730 km d’une traite.
Selon la météo, le chargement et les éventuels
problèmes mécaniques ou crevaisons, cela prenait entre
11 et 22 heures, en ne s’arrêtant que pour refaire le
plein. En 3 ans j’ai fait ainsi 17 fois le parcours Paris/la
Suisse x 2 avec les retours.
Contrairement à beaucoup d’autres jeunes sans imagination,
je n’ai jamais aimé faire le tour du quartier en pétaradant.
La Mobylette était pour moi le moyen de voir du pays. Quand
je ne partais pas à l’étranger, j’allais
camper un week-end sur deux autour de Paris avec un groupe d’Eclaireurs
et Eclaireuses de France âgés de 16 à 22 ans,
une micro-société fonctionnant de façon autonome
et démocratique. Pendant que les autres prenaient le train,
j’étais chargé du matériel de camping,
tentes et provisions pour 10 à 15 participants, car au début
j’étais le seul à posséder un moyen de
transport personnel. J’emmenais en général l’un
de nous en plus du matériel, et le chargement total devait
avoisiner les 200 kg. Ainsi chargé, impossible de pédaler
et donc pas moyen d’aider le moteur dans les côtes.
(Voir photo.)
Pendant
mes 4 semaines de vacances j’ai sillonné l’Italie
du Nord, l’Autriche, l’Allemagne du Sud et j’ai
grimpé presque tous les cols suisses. En hiver, entre la
Toussaint et Pâques, je partais en stop. J’ai ainsi
parcouru en 4 ans 20 000 km en auto-stop et 88 000 km
en Mobylette.
Pour
aller en Suisse, où les cyclomoteurs étaient tous
immatriculés, la préfecture de Police de Paris nous
avait établi une carte grise et octroyé une immatriculation,
vous pouvez le voir sur la carte grise que j’ai scannée.
Les jeunes cyclomoristes suisses nous enviaient de pouvoir rouler
à deux et beaucoup plus vite que leurs engins bridés
à 30 km/heure. Leur police nous arrêtait parfois
mais nous laissait repartir au vu de notre carte grise indiquant
2 places et de notre plaque d’immatriculation française,
que nous enlevions généralement en France, sauf si
nous voulions emprunter les autoroutes, peu nombreuses et gratuites
en France comme en Allemagne à l’époque, mais
interdites aux 2 roues non immatriculés.
C’était le temps béni où il n’existait
pas de permis pour les cyclos, pas de permis à points, pas
d’alcootest (je bois peu et jamais si je conduis) pas de radars
automatiques ou non, et où la police ne tendait pas d’embuscades
aux honnêtes gens…
Depuis, le contrôle technique a permis l’élimination
des véhicules dangereux, le port de la ceinture est devenu
obligatoire et a sauvé quantité de vies, l’amélioration
de la sécurité passive des véhicules, les air-bags,
l’ABS, le développement des autoroutes, les déviations
autour des villes et villages, les ronds-points, les carrefours
aménagés, les glissières de sécurité,
le SAMU, la baisse du taux d’alcoolémie toléré,
tous ces éléments ont contribué à faire
baisser le nombre des victimes de la route.
Il n’y avait pas de limitations de vitesse, mais c’est
vrai qu’on relevait 2 fois plus de morts sur les routes que
maintenant. La diminution de la vitesse n’est pas le seul
facteur de ces bons résultats, les partisans des contrôles
de vitesse lourdement sanctionnés (automobilistes = vache
à lait) l’oublient trop souvent.
Avec
le mariage (nous avions tous deux 22 ans) vint pour nous le temps
des enfants et de la voiture. |