QUATRIEME VOYAGE EN AMERIQUE DU SUD

26 mars 2009
En descendant du paso de Agua Negra nous passons la douane argentine à LAS FLORES et pour une fois ce sont les Argentins qui interdisent d’entrer avec des fruits et légumes frais ou de la viande crue, mais nous n’avons plus de provisions. Habituellement c’est en entrant au Chili que ces aliments sont prohibés.
Nous revenons à Rodeo, comme l’an dernier. Au bout de 80 000 km parcourus en Amérique du Sud, il nous est de plus en plus difficile d’éviter des itinéraires que nous connaissons déjà, il faut dire que les routes sont peu nombreuses.

Après le lac de barrage de Rodeo, derrière lequel on aperçoit les Andes enneigées, la route longe des ravins profonds au fond desquels coule le río Agua Negra, dans une austère vallée aride.

Avant d’attaquer la descente, la cuesta de Huaco nous offre un panorama époustouflant. Au loin des formations rocheuses rouges barrent l’horizon sur 180 degrés. Nous rejoignons la ruta 40, ici asphaltée.

Pas de ponts, mais tous les 300 mètres en moyenne la route 40 est abaissée, ce sont des « badenes » qui sont traversés par les innombrables petits ríos en période de pluies. Cela fait une sorte de montagnes russes. Des orages récents ont entraîné sable et graviers que des engins dégagent.

A Villa Union nous passons la nuit près de la station-service. Le matin, sur la plaza, nous sommes très impressionnés par l’arrivée de huit véhicules de police, certains pick-up occupés par des hommes cagoulés dont on ne voit que les yeux, équipés de gilets pare-balles, vêtus de noir de la tête aux pieds, armés d’un arsenal inquiétant. La veille, nous avions remarqué quantité d’affichettes avec la photo d’un homme Elles disaient non à l’impunité de ses assassins. Qui était-il ? Nous partons rapidement et retrouvons la ruta 40, puis franchissons comme l’an dernier la vertigineuse et magnifique cuesta de Miranda (alt. 2  000 m) aux 820 virages.

A Chilecito (alt. 1 200 m) petite ville tranquille, nous rencontrons Armelle et Gérald, des cyclistes clermontois qui avaient mis 4 jours pour traverser les Andes par le paso de Agua Negra. (4 780 m) Chapeau  ! Ils connaissent d’autres cyclistes français grands voyageurs dont Julien Leblay, que nous avions aperçu dans un festival à Paris puis retrouvé l’an dernier en Argentine à Junin de Los Andes, et dont j’ai corrigé le livre.

A Chilecito, les deux roues sont emblématiques du non respect du Code de la Route. Absolument personne ne porte de casque, on roule souvent à trois et parfois à quatre sur un deux roues; les feux tricolores les arrêtent rarement. Je ne peux résister à l’envie de vous en montrer quelques-uns.
Beaucoup de voitures n’ont pas de plaques et sont dans un état de délabrement très avancé. Pourtant, le port du casque est obligatoire ainsi que le contrôle technique pour les voitures, mais la police ferme les yeux.


29 mars 2009

Dans un camping, nous faisons la connaissance de Jorge et Silvia, un couple de vacanciers argentins de Mar del Plata qui nous offre un asado et le lendemain des pizzas qu’il fait cuire au feu de bois. Observez là encore la technique. La pizza est mise à chauffer dans une tôle en même temps qu’une seconde tôle qui servira de couvercle chauffant et fera fondre le fromage.
Ils viennent de visiter une famille de chercheurs d’or. Demain nous irons les voir.

José, Graciela et leurs trois fils habitent une modeste petite maison isolée au lieudit Los Corrales, (alt. 2 400 m) au-dessus du village de Famatina (mot aborigène qui veut dire la Mère des métaux). C’est aussi le nom de la chaîne de montagnes proche. Ce sont des gens chaleureux, agréables et intéressants. José est fier de ses origines aborigènes. Et on voit de suite que la famille de José et Graciela ne roule pas sur l’or !
Les enfants partent à l’école le matin à 7 heures dans un véhicule municipal qui fait la navette et rentrent vers 13 heures. L’après-midi ils travaillent avec leurs parents à laver du sable aurifère et expliquent aux rares touristes leur technique.

Un gros tas de sable a été apporté par un tracteur. Le sable aurifère est lavé dans l’eau courante d’un ruisseau qui court au fond du petit canal artisanal. Le gravier et la terre roulent plus bas mais les alvéoles du tapis de caoutchouc piègent l’or et des débris de fer car ils sont plus lourds.

Le tapis est vidé dans la batée et d’un geste circulaire l’homme élimine la terre et l’eau, pour conserver seulement le fer et l’or, qu’il fait sécher. Puis il enlèvera le fer avec un aimant et il ne restera que l’or.
Aujourd’hui, c’est la dernière famille de la région qui vit du lavage de l’or. Ils travaillent ici toute l’année. Leur technique à la pelle et au seau est respectueuse de l’environnement, ils n’utilisent pas de mercure ni aucun produit.

Après une bonne vingtaine de seaux, voici le plus gros morceau de la récolte.

Pedro le perroquet fait partie de la famille et c’est un grand bavard.

Fleurs d’automne.

Pour monter avec le Land jusqu’à la mine, à 4 400 m d’altitude et à 38 km, nous préférons prendre un guide, le papa, José.
Il passe rarement des véhicules et la piste, qui finit en cul-de-sac, est en très mauvais état.
Une ancienne piste se devine dans la végétation qui a repris ses droits.

Plus haut les roches ont des couleurs surréalistes.

La piste serpente avant d’arriver au canyon de l’Ocre, une faille dans une terre colorée que récolte un homme solitaire. Il crée de petits barrages, l’eau s’évapore et dépose une épaisseur d’ocre qui servira à faire de la peinture.


Au confluent de deux arroyos, on voit très bien celui chargé d’ocre.

En montant, nous allons traverser une quarantaine de fois le torrent à gué ou rouler carrément dans son lit lorsque l’espace est insuffisant pour le torrent + la piste.
Souvent, en traversant le río, il faut en première vitesse courte descendre puis remonter une marche.


Un aperçu de la piste.

Nous montons toujours. Le cerro General Belgrano (6 226 m) est le sommet enneigé de la Sierra Famatina.
Parcours magnifique, mais c’est la piste la plus difficile que nous ayons jamais prise. Là encore, personne, il ne faudrait pas tomber en panne !
Le GPS (avec altimètre) nous indique 3 900 m aux bâtiments abandonnés de l’ancienne mine.
Sans notre guide nous aurions fait demi-tour depuis longtemps. Nous allons enfin pouvoir rouler sur l’or avec notre BerliLand, ou plutôt sur les débris de minerai qui recouvrent le sol et qui doivent en contenir quelques grammes par tonne.

Altitude 4 413 m au niveau de l‘entrée du tunnel de la mine et du téléphérique.

Entre la sortie de la mine et les wagonnets où le minerai était chargé, des pierres brillent…
La mine est abandonnée depuis 1926. La galerie s’enfonce sous terre sur 1 850 m. Dans la journée il ne fait pas très chaud, mais la nuit c’est bien pire, les glaçons le prouvent.

Les installations ont été abandonnées et comme toujours tout est resté sur place.

La descente, c’est de nouveau 40 passages à gué.

Dans les petites villes des environs, des murs peints dénoncent le projet d’exploitation de la mine d’or à ciel ouvert par une multinationale canadienne et la pollution qui suivra.

El Famatina no se toca = On ne touche pas à Famatina !

Des tracts disent :
« Non à la mine à ciel ouvert ! Les compagnies étrangères entrent en Argentine comme chez elles pour enlever les richesses naturelles qu’elles n’ont pas chez elles et laissent en échange misère, chômage, maladies, pauvreté, faim, contamination, exode de la population et pour finir la mort ! »

POUR ALLER VOIR LES LAVEURS D’OR
Route et piste montent jusqu’à LOS CORRALES (2 400 m) où ils habitent. Par temps sec, aucun problème, sauf avec un véhicule lourd et bas en raison d’un passage sableux à l’arrivée.
Sur la Ruta 40 prendre la ruta provincial N° 11 en direction de FAMATINA.
Au point GPS 28°52’530S 07°33’382W tourner en direction du lieudit Los Corrales 028°49'755S 67°38’537W. Les lavadores de oro vous feront une démonstration (payante mais bon marché).
Aller depuis chez eux au canyon del Ocre (2 840 m) est envisageable avec un petit fourgon ou un pick-up 4x2 possédant une bonne garde au sol, ensuite il faut absolument un bon 4x4 avec de bons pneus.
POUR ALLER JUSQU’A LA MINE LA MEJICANA
Très beau parcours. José peut vous guider jusqu’à la mine mais vous pouvez aussi vous y risquer seul. En dehors de janvier et février, il y a très peu de passage.
38 km séparent la maison de José de l’entrée de la mine. Ne vous y risquez pas si le temps n’est pas au beau fixe, il n’y a pas d’échappatoire et vous pourriez vous retrouver bloqué. Compter une petite journée pour aller de Los Corrales jusqu’à la mine et retour.
ORIGINE DE LA MINE
Les Indiens diaguitas l’exploitaient déjà avant l’arrivée des Espagnols. En 1592 J. Ramirez de Velasco (fondateur de la ville de La Rioja) monta une expédition en raison d’informations concernant les richesses des mines de Famatina.
Les Diaguitas n’auraient pas été hostiles à l’arrivée des Espagnols. Plus tard, la zone s’est dépeuplée en raison du manque d’eau.
LE CABLECARRIL
Compte tenu de l’altitude de la mine, des difficultés d’accès et du climat, la compagnie anglaise qui voulait l’exploiter au début du XXe siècle décida d’installer la fonderie beaucoup plus bas, dans la plaine. Pour transporter le minerai, acheminer hommes, matériel et nourriture, elle fit construire le CABLECARRIL, un câble de 36 km auquel étaient suspendus des petits wagonnets pour transporter le minerai ou des nacelles spéciales pour les personnes.
Pour relier la mine à la fonderie installée à 1 500 m d’altitude, c’est une entreprise française qui construisit en 1903-1904 le cablecarril, téléphérique dont le fonctionnement était garanti 100 ans !
La construction dura moins de 2 ans, 1 500 hommes et plus de 1 000 chevaux et mules montèrent le matériel.
On imagine les difficultés pour le personnel qui devait travailler dans cet air raréfié et glacé puis sous terre.
Le cablecarril a fonctionné jusqu’en 1999 entre les stations 1 et 2 pour emmener des touristes. Puis il fut arrêté après un accident qui fit 2 morts.
Station n°1 à Chilecito. Il y avait 9 stations jusqu’à La Mejicana. La fonderie se trouve à la station 2, à Santa Florentina.
Le cablecarril descendait jusqu’à 12 000 tonnes de minerai par mois contenant or, argent, fer, plomb et cuivre.
5 moteurs à vapeur fonctionnant au bois entraînaient le câble. Pour le soutenir, 262 pylônes hauts de 1 à 50 m.
Le trajet durait moins de 4 heures. Le vide sous les 450 wagonnets atteignait parfois 450 m. Il ne fallait pas souffrir du vertige  !

CHILECITO (alt. 1  200 m). La ville fut fondée en 1715. Elle doit son nom aux nombreux Chiliens qui travaillaient à la mine de Famatina au XIXe siècle. L’exploitation était déjà très importante à cette époque puis fut reprise par les Anglais.
Il existe un musée gratuit de la mine dans la ville de Chilecito, que nous n’avons malheureusement pas visité.
La mine fonctionna de 1905 à 1926, avec une interruption pendant la Première Guerre mondiale quand les Anglais abandonnèrent la mine qui fut vendue puis estimée insuffisamment rentable et abandonnée.
Les accidents dans la mine et le cablecarril coûtèrent la vie de 200 à 500 hommes.

A suivre...

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